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Sékou Timité a une ambition : suivre la voie de son père disparu pour devenir un "Djeli", un griot, gardien de la mémoire et de la tradition orale en Afrique de l'Ouest. Seul de la fratrie à s'intéresser à l'art ancestral du griot en désuétude, il laisse sa famille derrière lui et part se confronter au monde moderne sur les routes du légendaire Empire mandingue. Sur un chemin rempli d’errances et de doutes personnels, il croise les plus grands griots de la région et de simples gens en prise avec le quotidien. Son voyage devient le portrait poétique d'une Afrique de l'Ouest à la recherche de sa mémoire dans un monde traumatisé par le passé et dévolu au présent.
Director's note
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Sékou Timité vient d'une ancienne famille de la caste des "Djeli", gardiens de la mémoire et des coutumes dans l'ancien Empire mandingue du XIIIe siècle, qui recouvrait à l'époque plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest actuelle : Mali, Sénégal, Gambie, Guinée, Burkina Faso, Côte d'Ivoire… Les "Djeli", qui transmettent les traditions de génération en génération par l'oralité, ont traversé les âges pour continuer leur rôle de médiateur social informel dans la société moderne.
Pourtant, dans un monde globalisé en quête de profits rapides, ravagé par la colonisation et ses subsides et en prise avec de perpétuels conflits ethniques, les conteurs d'histoires et leur rôle unificateur sont délaissés.
Sékou, seul de sa famille à vouloir reprendre le flambeau de sa mère et de son père, voudrait retrouver l'essence du griot pour l'adapter à notre monde.
J'ai eu envie de suivre le parcours de Sékou dès qu'il a évoqué son envie de devenir griot. Sékou est un personnage charismatique, doté d'une force d'écoute et d'une sensibilité profonde. Le fait qu'il n'ait pas connu son père ajoute à sa quête une dimension personnelle qui m'a touchée. L'envie de le suivre sur les routes a été immédiate.
Le récit de sa recherche se transforme alors en road-movie initiatique. Sékou traverse les pays pour suivre la voie du griot et se rapprocher spirituellement de ce père inconnu. Son histoire raconte aussi l'idée d'une Afrique de l'Ouest unie et le rôle des griots en tant que garants de cette mémoire commune.
Je veux, en suivant Sékou dans son apprentissage, dresser en creux le portrait d’une jeunesse d’Afrique de l’Ouest face à son présent. Je cherche à retrouver et partager la mémoire commune d’une région composée de peuples divers mais qui étaient rassemblés dans une ère culturelle commune avant que l’Histoire ne les sépare dans des frontières politiques.
Le griot fait le lien de cette culture commune qu'on appelle "mandingue". C'est celui qui a le pouvoir des mots, celui qui rassemble, qui partage, qui tranche, celui qui se rappelle et qui transmet la mémoire.
Le film prend l'aspect d'un voyage éminemment poétique dans l’Afrique de l’Ouest, porté par la parole toujours très imaginative des griots. Ce film intime sur Sékou ouvre la possibilité d'un portrait subtil et poétique sur la mémoire commune et la vie en Afrique de l'Ouest du point de vue de ses conteurs.
Si la parole fait appel à l'imaginaire, la réalité de la vie quotidienne que perçoit Sékou tout au long de son chemin ancre le film dans un portrait du quotidien des hommes et femmes du commun. Sékou ne rencontre pas que des griots sur sa route. Il croise aussi, dans les gares, les marchés ou les transports en tous genres, des êtres qui parlent d'eux, de leur rapport à l'histoire, et qui interrogent Sékou sur ses motivations. Sékou se transforme, tel un griot qu'il n'est pas encore, en médiateur entre les gens et les spectateurs, il nous fait entrer dans le vécu du présent en Afrique de l'ouest.
L’art du griot est un art oral. Le film repose donc en grande partie sur une mise en scène de la parole, qu'elle prenne la forme du conte, de l'enseignement ou de l'échange informel. Le film célèbre le pouvoir de la parole sous ses divers aspects.
Lorsque Sékou rencontre des griots, il est dans une démarche d'écoute et d'échange. Lorsqu'il rencontre les gens du quotidien, la parole devient discussion plus spontanée. Enfin, lorsque nous rentrons dans l'espace du conte, la parole épouse directement la forme de l'art du griot.
Pour ce dernier point, la parole sera mise en scène de manière plus construite. Elle sera transmise par la voix et la figure de Baba Sissoko, grand griot, qui pourra apparaître de manière énigmatique dans le film. Il nous raconte alors l'épopée de l'empire mandingue, cette histoire précurseur de l'unité de la région. Sa présence est double, car elle évoque en même temps la grande histoire des griots et représente aussi ce père inconnu dont Sékou cherche les traces et les enseignements. C'est un moment où la fiction s'infiltre dans le documentaire pour le sublimer et révéler tout le potentiel d'évocation de la parole.
Les paysages sont intégrés à la mise en scène comme des décors, ils délimitent un espace géographique qui a son importance dans le récit.
Il y a aussi dans ces références un mélange assumé de procédés fictionnels (confrontation d'images par le montage, mise en scène de lieux historiques ou de personnages, utilisation de la musique) qui subliment le documentaire et brouillent volontairement les frontières entre fiction et réalité.
Je veux explorer cette alliance entre fiction et réalité pour porter mon film dans un imaginaire poétique puissant, mais qui se nourrit d'une réalité documentaire parfois rude qui sera inévitable lors du voyage, avec des rencontres impromptues, le chaos du quotidien dans les gares ou marchés, ou encore les problèmes de frontières.